Plus connues sous le vocable de « nounous », les gardes d’enfant africaines en France s’illustrent dans la défense de leurs droits pour travailler dans la dignité. Elles nourrissent aussi des ambitions pour leur pays d’origine.
Le bureau de Sylvie Fofana ne désemplit pas. Le téléphone collé à l’oreille, coincé par l’épaule, les yeux rivés sur un document de revendications d’un groupe de nounous, Sylvie reçoit dans ce lieu situé à la Bourse du Travail au centre du 10e Arrondissement de Paris. Pétillante, elle met son énergie au service des nounous membres du Syndicat national des auxiliaires parentales. Ces femmes désemparées qui se sentent « exploitées » par leurs employeurs trouvent auprès d’elle une oreille attentive. Autant le dire : le Syndicat joue parfois un rôle d’agence conseil pour ces femmes qui ont, en général, un niveau d’instruction faible.
« La majeure partie des membres du syndicat est constituée des nounous d’origine d’Afrique subsaharienne. Les autres membres sont originaires des pays du Maghreb, d’Amérique Latine et d’Asie», précise la présidente du Syndicat national des auxiliaires parentales. L’histoire de ce Syndicat est d’abord celle de Sylvie, cette ivoirienne qui est venue en France 1992, décidée à se donner les moyens de réussir sa vie professionnelle et sociale.
Parcours de combattante
Tout commence à Treichville, une commune d’Abidjan. Sylvie Fofana rêvait de devenir secrétaire ou assistante de direction. Après des études de secrétariat en 1986, elle commence sa carrière dans une pharmacie ivoirienne. La jeune fille tombe enceinte et se fait renvoyer injustement. Elle peine à faire respecter ses droits. «Je ne peux oublier cette période difficile de ma carrière. J’ai vécu une injustice», confie-t-elle. Dans ce début de carrière compliqué, elle trouve du réconfort auprès de sa famille qu’elle a dû quitter pour se lancer dans l’aventure française.
En 1992, elle débarque en France pour « assurer un meilleur avenir » à ses enfants. Première opportunité de travail : garde d’enfant dans une famille résidant dans le 16e Arrondissement de Paris. En plus des « injustices subies » chez ses employeurs, elle fait face à des difficultés familiales. « J’étais hébergée chez mon oncle qui, du jour au lendemain, me met à la rue avec ma fille de 8 mois. Ce fut la vraie galère pour moi et ma fille », raconte Sylvie Fofana, qui enchaîna les jobs de nounou à Paris. Entre 2006 et 2009, elle a été victime des « vexations insupportables » chez des employeurs indélicats. La revendication syndicale germe dans l’esprit de cette femme qui a toujours eu un penchant pour la vie associative.
« Faire connaître ses droits et les défendre »
Les vexations subies par l’Ivoirienne ne sont pas un cas isolé. Plusieurs nounous déplorent leurs conditions de travail précaires. Sous l’impulsion de Sylvie Fofana, l’Association des nounous d’Île-de-France est créée en octobre 2010 « pour organiser et mieux défendre les droits des nounous face à des employeurs qui ne connaissent pas toujours bien les droits de leurs employées ». En 2012, la mobilisation menée par cette association est remarquée par la sociologue Caroline Ibos qui sort le livre Qui gardera nos enfants ? chez Flammarion. Ce livre éveille l’intérêt des médias sur les conditions de ces nounous souvent oubliées. Le combat de l’association est abondamment relayé dans les médias et Sylvie Fofana est devenue le porte-flambeau des revendications des nounous. Cette exposition médiatique encourage la mutation de l’association en syndicat. « Nous avons choisi la voie des négociations avec les employeurs. Nous n’avons pas opté pour des actions d’éclat qui sont loin d’être efficaces dans notre contexte », déclare la présidente du Syndicat national des auxiliaires parentales. Cela réussit parfois.
« Notre niveau de salaire, les congés payés, le respect d’éventuels arrêts maladies… sont autant de droits que mes employeurs respectent. Et Madame Fofana m’a permis de bien négocier mon contrat de travail », témoigne Elisabeth, une ivoirienne qui totalise une dizaine d’années dans le travail de nounou. « Le syndicat est notre premier partenaire, face à des employeurs qui sont parfois de mauvaise foi », déclare Miriam, une autre ivoirienne.
Le Syndicat qui revendique plus de 2 000 adhérentes veut davantage améliorer ses moyens d’actions. « Nous avons des ambitions pour le Syndicat mais les moyens doivent être renforcés. Nos membres ne sont pas réguliers dans les cotisations. Elles relâchent dès qu’elles sont satisfaites de nos conseils », explique Sylvie Fofana.
Le pays n’est jamais loin
Toutes les nounous rencontrées affirment leur attachement à leur pays d’origine. « Je suis en France depuis 4 ans pour ce travail de garde d’enfant mais je ne cesse d’envoyer de l’argent pour aider ma famille en Mauritanie », confie Aïcha. Cette Mauritanienne de 38 ans qui vient de régulariser sa situation administrative en France espère investir dans « un projet porteur dans son pays ». Elle compte retourner en Mauritanie dans « quelques années quand elle aura des moyens pour lancer un business ».
Si Elisabeth, elle, va souvent à Abidjan pour « décompresser », elle n’a pas encore le projet d’un retour définitif en Côte d’Ivoire. « Nos autorités doivent nous créer les conditions d’un retour en douce », estime-t-elle.
De son côté, Sylvie Fofana, en plus de ses appuis ponctuels à la famille sur place en Côte d’Ivoire, s’investit dans la professionnalisation du métier de nounou dans son pays d’origine. Elle explique son plan d’action : « Nous avons un projet de formation pour les personnels de maison en Côte d’ivoire. On pense à la création d’un centre de formation. Nous encourageons également le lancement d’une d’Association des personnels de maison. Nous avons les mêmes ambitions pour d’autres pays en Afrique de l’ouest. » Tout un programme !
http://www.afrikatv.net/articles/nounous-africaines-en-france-jamais-san...