Coordonnateur des affaires communautaires de la compagnie d’électricité du Sénégal (CES) qui exploite la centrale à charbon, Mor Seye Fall assure que ladite société a pris toutes les dispositions pour réduire les risques de pollution.
« L’As » : Est-ce que l’installation de la centrale à charbon ne menace pas l’activité des femmes du site Khelcom ?
Mor Seye Fall : Il n'est pas dans les intentions de la centrale de déplacer ces femmes. Mieux, on est plutôt dans une perspective d’amélioration de leurs conditions de travail. On a un protocole tripartite entre la CES, la Senelec et la municipalité de Bargny dans lequel on prévoit de moderniser le site de transformation de « Khelcom Bargny ». On leur a installé un container équipé qui leur sert de bureau afin de mieux formaliser les transactions et garder certaines affaires. On libéré des fonds pour procéder à l’éclairage du site et leur permettre de travailler jusque tard dans la nuit et des fonds ont été libéré pour y installer des blocs sanitaires. Sans compter le financement estimé à 30 millions mis à la disposition d'une institution de micro-finance. Tout cela montre qu’on n’est pas dans une dynamique de les déplacer. Nous sommes dans une perspective de bon voisinage en essayant de faire en sorte que la cohabitation puissent être gagnant-gagnant. (…)
Par quel canal discutez-vous avec les femmes?
Nous avons dans un premier temps essayé de collaborer avec une femme qu’on dit être la présidente de l’association « Khelcom Bargny » (Ndlr : Fatou Samb). Mais elle n’a pas voulu collaborer. On s’est alors rapproché avec d’autres femmes qui sont devenues nos principales interlocutrices. Et on les convie dans tout ce qu’on organise. On a organisé des journées portes ouvertes et par groupes elles ont pu visiter la centrale. On leur a présenté son fonctionnement avant de les rassurer sur les questions sécuritaires et sociales.
Pensez-vous que vos nouvelles interlocutrices sont représentatives ?
Il faut dire que le souci de représentativité est fait mineure dans la mesure où ce ne sont pas ces femmes qui ont la décision. On est dans un pays de droit. Il y a des Instituions et des services dédiés. Ces services ont approuvé et autorisé l’installation de la centrale. on discute avec ces femmes pour des raisons de bon voisinage du fait que nos actions respectives entrainent des impacts mutuels. Quand elles travaillent, la fumée submerge nos locaux et obligent dès fois les Indiens (qui travaillent à l’installation de la centrale) à arrêter le chantier. Mais on tolère parce que nous avons compris que ces dames gagnent leur vie à la sueur de leur front.
Pensez-vous qu’une centrale à charbon peut cohabiter avec un site de transformation de produits alimentaires ?
Des études environnementales et sociales ont été faites. Sans compter les audits réguliers effectués par les autorités locales et les bailleurs de fonds. D’ailleurs, demain (Ndlr : 15 novembre 2017) on va recevoir une mission d’audit de la BOAD (Ndlr : Banque ouest-africaine de développement). Il y a deux mois, c’est la banque néerlandaise, la FMO, qui était là. Toutes ces missions s’occupent des questions environnementales. En plus, ils ont des dispositifs pour écouter les populations qui peuvent déposer des requêtes. Maintenant, ce n’est pas à nous de décider si le site est adéquat ou non approprié pour recevoir une installation classée. On est dans un pays de droit. Il faut que chaque acteur soit responsable par rapport à son cœur de métier et par rapport à son domaine d’intervention.
Qu’en est-il des dispositions prises par la CES pour limiter la pollution ?
En toute chose, il y a des normes. Il n’y a aucune activité humaine sur terre qui n’a pas d’impact sur l’environnement. L’option retenue par tous les pays est de mener des activités économiques tout en préservant l’environnement. La centrale va utiliser du charbon de meilleure qualité qui va être broyé. On va utiliser un dispositif qui s’appelle le dépoussiéreur qui permet d’éliminer 99,5% des poussières d’après les experts. On a été au Maroc où il y a une centrale dix-sept fois plus grande. On avait du mal à voir la fumée parce qu’ils utilisent des dispositifs analogues. En ce qui concerne les gaz et autres particules fines, on est en deçà des seuils. Et il y a des documents qui le prouvent. A chaque fois qu’on nous dit que sur certains aspects on n’est pas conforme, on corrige pour se conformer.
On dit que la centrale s’est installé dans un espace destiné initialement à reloger les déplacés de l’érosion côtière.
On est très sensible à ça. Ce n'est pas quelque chose qui nous plait. Mais il faut mettre les choses dans leur contexte. On est dans un pays de droit. Il y a des autorités qui ont en charge la gestion du foncier et du domaine national. La CES s’est implanté dans cette zone comme un privé. C’est l’Etat du Sénégal qui lui vendu les terres. On ne peut rien nous reprocher même si ceux à qui on avait alloué ces terres sont méritants. On est très sensible à leur situation et on est prêt à accompagner les initiatives des autorités locales à leur encontre.
On parle de transition énergétique. Est-ce qu’il techniquement possible de changer le charbon par le gaz, après avoir installé et commencé l’exploitation ?
D'après les experts c’est possible. Ce n'est pas toute la centrale qu’il va falloir reconstruire pour faire la transition. Cette dernière va concerner uniquement certains équipements clés. Actuellement, une étude financée par la Banque mondiale, qui concerne la reconversion de toutes les centrales à fuel et à charbon du pays, est en cours. Le contexte a évolué. En 2008, on n’avait pas découvert les gisements de pétrole et de gaz. Maintenant, au lieu d’aller en Afrique du sud pour chercher du charbon, il est préférable de puiser sur une combustible existant dans le pays et plus appropriée en l’occurrence le gaz.
Propos recueillis par Seydina Bilal DIALLO