Si les femmes ont du mal à accéder à certaines instances de décision, c’est que ‘’l’imaginaire politique des Sénégalais est encore masculin’’. La conviction est de Zeinab Kane Bodian, juriste et secrétaire générale de l’Association des juristes du Sénégal.
Pourquoi les candidatures féminines peinent à passer, lors des élections au Sénégal, que ce soit aux élections présidentielles comme locales ?
La participation des femmes aux élections présidentielles est assez récente. Les Sénégalais votent suivant plusieurs critères et il me semble que le critère sexiste n’est pas déterminant. Il y a le vote affectif, le vote ethnique, régional ou encore idéologique. On ne vote pas parce que le candidat est un homme ou une femme, mais on cherche à accorder sa confiance au candidat supposé le meilleur, en fonction de ses attentes. Un aspect non négligeable est que l’imaginaire politique des Sénégalais est encore masculin.
C’est la question des rapports de genre dans la société. Il me semble que les Sénégalais ne sont pas encore prêts à confier les destinées du pays à une femme. C’est juste une appréciation, mais on peut approfondir l’analyse en interrogeant les comportements électoraux des citoyens. A cela s’ajoute le fait que les femmes candidates, surtout à la présidentielle, n’ont pas de grands partis qui puissent les hisser à des résultats significatifs. Il faut reconnaitre qu’en matière d’élection, il y a un rapport de force entre plusieurs partis ou coalitions de partis. Et c’est à ce niveau que les candidates doivent faire appel à leur ingéniosité.
Au niveau local, les femmes sont de plus en plus élues avec l’application de la loi sur la parité absolue. Grâce aussi au travail de leadership qu’elles font dans les groupements et organisations de base, elles sont acceptées comme actrices incontournables. Elles pourront davantage être élues à la tête des institutions locales, mais elles devront faire leurs preuves et montrer qu’elles peuvent faire la différence.
Que pensez-vous de la gestion des femmes maires et de la place des femmes députés à l'Assemblée nationale ?
Je n’ai pas de baromètre pour apprécier la gestion des femmes maires, mais j’estime que la bonne gouvernance n’a pas de sexo-spécificité. Après tout, c’est une équipe municipale qui gère une collectivité. S’agissant des femmes députés, je pense qu’elles font leur travail. Le vrai débat, c’est la qualité de la représentation nationale et le profil des élus hommes et femmes confondus et ne pas stigmatiser les femmes. Le parlementaire a un rôle important à jouer dans une nation. Les femmes ont leur place à l’hémicycle et doivent continuer à se mobiliser pour des questions d’intérêt national
Quelles solutions préconisez-vous pour changer la donne ?
Je pense qu’il faut accompagner tous ceux qui aspirent à des mandats électoraux, hommes ou femmes. S’agissant des femmes, il faut les soutenir à franchir les barrières et les pesanteurs sociaux culturels, mais surtout aller vers le renforcement du leadership des femmes au grand bénéfice du renouvellement de la classe politique qui doit se faire avec une nouvelle génération de femmes et d’hommes. Sensibiliser pour un changement de perception sur le rôle de la femme dans la construction de la nation, en se basant sur l’héritage culturel et historique des femmes sénégalaises.