Pour qu’il y ait une alternance générationnelle, la jeunesse doit être formée, encadrée et responsabilisée dans les partis politiques. La remarque est de Sira Ndiaye. Député à l’Assemblée nationale, elle se désole du comportement et du niveau de débat des jeunes qui, dit-elle, n’honore pas toujours les partis.
Est-ce que les jeunes sont bien représentés dans les instances de décision au sein de votre parti politique, l’Apr ?
Oui, aujourd’hui, vous constatez, avec moi, qu’à l’Assemblée nationale, on a eu le plus jeune député dans le groupe de la majorité. Et il est de l’Alliance pour la République (Apr). Ailleurs, on peut aussi compter parmi les jeunes des directeurs généraux, des députés et des ministres. A cela, s’ajoutent les autres jeunes de Bby qui occupent des postes de responsabilité. Mais nous demandons davantage à ce que nous ayons un quota chez les jeunes. Et pourquoi ne pas légiférer par rapport à cette idée, comme cela se fait dans d’autres pays.
Un quota estimé à quel pourcentage ?
Là, je ne saurais avancer de chiffres, mais pourquoi ne pas avoir un quota. Je pense qu’une formation dans ce sens a eu lieu dernièrement afin qu’il y ait un quota de jeunes dans les instances de décision étatiques.
Quelle est la place de la femme dans votre formation politique ?
Elles occupent une place importance au sein de l’Apr. Si je ne me trompe pas, c’est la première fois que nous avons un mouvement de jeunesse d’un parti dirigé par une jeune fille, en la personne de Thérèse Faye Diouf qui est aujourd’hui la patronne des jeunesses républicaines. Au-delà d’elle, depuis 2012, le président de la République a favorisé les femmes au sein de l’Apr, en leur donnant des postes de responsabilité. Moi qui vous parle, je n’ai pas encore dépassé la quarantaine et depuis l’année dernière, je suis membre du bureau. Nous avons Aminata Tall à la tête d’une institution (Conseil économique, social et environnemental). Il y a aussi Aminata Touré qui a été Premier ministre, par ailleurs membre fondatrice de notre parti. Nous avons aussi des ministres, des directrices générales, entre autres.
Sur le plan politique, tout le monde sait que dans l’Apr, la femme compte beaucoup. Le président de la République mesure leur importance en tant que militantes. C’est vrai que la parité a été votée avec ses failles, mais le combat qui s’impose est qu’il y ait la parité dans tous les scrutins qui doivent être organisés dans ce pays. Vous avez suivi avec nous ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale (Ndlr : poste de 8e vice-président que Pape Diop a perdu en faveur de Yaye Fatma Diop du fait de la parité), on s’est levé et on s’est battu pour obtenir gain de cause. Cela montre que les femmes sont capables de relever le défi. Elles sont compétentes, instruites et savent leur valeur et ce qu’elles représentent dans la société.
D’une manière générale, le constat est que les partis sont dirigés, dans leur écrasante majorité, par des personnes qui dépassent la cinquantaine. Pourquoi on n’arrive pas à avoir un jeune à la tête d’un parti ?
Cela doit être le combat de tout jeune et, au-delà, les femmes. Chaque chose aussi en son temps. Aujourd’hui, on aimerait bien, après Macky Sall, d’ici l’horizon 2035, qu’on arrive à ce stade. Mais pour y arriver, il faut que dans tous les partis politiques que les jeunes puissent être formés, d’abord. Il y a un déficit de formation au sein des partis politiques. Ces derniers ne forment plus les jeunes. Il faut davantage les encadrer pour qu’on puisse élever le niveau du débat, pour qu’on puisse avoir des jeunes leaders de référence.
Le constat est que sur la scène politique, il y a beaucoup de jeunes certes qui sont issus du landerneau politique, mais il y a beaucoup de dérapages. Alors qu’un jeune qui aspire à devenir un leader doit être une référence, un modèle. Des fois, on entend des propos qui n’honorent pas la jeunesse. Pour y remédier, il nous faut une formation de qualité, qu’on encadre la jeunesse pour que demain qu’on puisse avoir des leaders de qualité et des référence. C’est le rôle d’un parti politique. Il faut animer les écoles de parti, comme ce fut le cas du Parti socialiste, à l’époque. Il y avait des cadres qui encadraient les jeunes. Là, on tend vers l’alternance générationnelle et cela ne peut se faire qu’avec les jeunes. Et ces derniers doivent être conscients de cela. Qu’ils sachent qu’aujourd’hui l’heure a sonné. Il faut aussi avoir une bonne formation, avant tout.
Justement, qu’est-ce qui empêche cette alternance générationnelle ?
Il y a beaucoup de facteurs. Même s’il y a lieu de préciser qu’il y a des avancées, car il y a beaucoup de jeunes qui occupent des postes de responsabilité. Dans nos partis, il y a des mouvements de jeunesse. Mais cela doit être un combat de tout jeune qui aspire à devenir le secrétaire général d’une formation politique. Et cela dépend de la personne qui aspire à le devenir avec une ambition bien définie.
Par ailleurs, je pense que la jeunesse de la classe politique sénégalaise doit être formée davantage. On ne peut pas avoir une alternance générationnelle avec une jeunesse qui n’a pas un bon comportement, non-instruite. On demande de la qualité. Le niveau du débat doit être relevé. Il y a beaucoup de défis qui sont devant nous. La jeunesse ne doit pas avoir de complexes. Si on est compétent, on doit s’assumer. Ainsi on aura sa place dans les partis politiques.
Beaucoup disent que si l’alternance générationnelle tarde à être une réalité, c’est parce qu’il n’y a pas assez de démocratie dans les partis politiques…
On peut dire qu’il y a une démocratie réelle dans les partis politiques, comme le contraire aussi, dans certains cas. C’est vrai qu’on met toujours au-devant l’idéologie du parti, mais on a un chef de parti. Ce n’est pas pour rien qu’il est chef aussi. En tant que patron, je pense qu’on peut lui tolérer une certaine marge par rapport à la prise de certaines décisions. Mais en ce qui concerne l’Apr, en tant que membre du Directoire national, le débat y est ouvert, lors de chaque Secrétariat exécutif et chacun s’exprime. La décision finale est donnée à la suite d’une synthèse des avis des uns et des autres. Mais, dans une certaine mesure, il n’y a toujours pas de démocratie, parce qu’il y a des décisions qui se prennent au détriment des militants.