Le mal de vivre et le désespoir continuent de pousser une cohorte de jeunes des deux sexes de plusieurs pays africains, dont le nôtre, à aller vers la mort. Beaucoup d’entre eux n’ont pas rejoint la destination choisie où ils entendaient aller chercher fortune. Certains ont fini leur course au fond de la Méditerranée, tandis que d’autres ont rebroussé chemin dans les conditions extrêmement difficiles.
Le désespoir de trouver le bonheur immédiat en leurs lieux de naissance où la pauvreté persiste galvanise des groupes de jeunes, souvent à la fleur de l’âge, à aller à la recherche de l’argent sous d’autres cieux. Ils ont une seule devise qui se résume à se mettre plein les poches et rapidement.
Ces jeunes, dont l’âge oscille entre 18 et 40 ans, sont déterminés à aller à la recherche du pognon dans le mythe de la caverne d’Ali Baba qui n’est rien d’autres que les cieux où il est possible, en raison des opportunités sur place, de gagner de l’argent en un temps record et de sortir du registre des revers pour celui de la réalité.
Le meilleur des mondes reste la priorité de cette frange importante de la couche juvénile qui, en dépit de nombreux risques, ne tergiverse pas à sauter le pas, au-delà des frontières nationales, avec l’ultime objectif de se faire de l’argent. La témérité aidant, ils n’ont aucune peur bleue des risques encourus au moment d’embarquer à bord des pirogues ou autres bateaux de fortune aux mains des passeurs, sans scrupules, obnubilés par le souci de se faire de l’argent sur des incrédules n’ayant aucune garantie ou assurance d’arriver à destination en bonne santé.
Muni de son diplôme en droit des Affaires, mais sans emploi, Thierno Mamadou Sounou Diallo, a tenté l’aventure, celle de s’expatrier dans des conditions et des circonstances qui ne sont pas les meilleures. Son odyssée a failli se terminer dans les eaux marocaines où il a frôlé la noyade il y’a quelques mois. Il reste redevable aux forces royales de la marine qui l’ont secouru.
Dès qu’il raconte son aventure, la voix nouée, les yeux embués de larmes, il dit avoir frôlé la mort en janvier de l’année dernière. « J’ai frôlé la mort. C’est une équipe de patrouille marocaine qui nous a sauvées. On entasse 60 personnes dans une pirogue après versement de 800 à 1000 euros. Pour les passeurs, l’essentiel est de gagner de l’argent. Je voulais partir en Espagne. Je ne suis plus prêt à sacrifier ma vie pour un voyage. C’est pourquoi, je suis revenu chez moi », a-t-il confié.
Réussir ou mourir
De son côté, Mamadou Baïlo Sow, apprenti chauffeur, ne partage pas la réticence de Thierno car selon lui, l’exil « est la meilleure solution pour réussir».
Baïlo assure avoir choisi d’aller chercher fortune avec l’accord de sa famille qui l’a encouragé à partir. Ainsi, il fait cap sur la Côte d’Ivoire où il observe une escale de deux ans avant de transiter par le Bénin voisin pour l’Angola, en Afrique australe, où il a été interpellé et rapatrié vers les frontières, ce qui le contraint à retourner au bercail. En dépit de cela, il croit dur comme fer que son avenir est d’ailleurs.
Un avis partagé par Mamadou Diouma Kanté qui dit ne pas regretter d’avoir tenté l’aventure très tôt. « J’ai quitté Labé à l’âge de 17 ans pour Dakar (Sénégal) parce que je n’ai pas eu la chance d’aller à l’école à cause de la pauvreté de mes parents. Six ans plus tard, j’ai offert un logement décent à mes parents qui habitaient une minuscule case. En plus, je me suis marié et j’ai trois enfants qui sont tous à l’école », précise-t-il.
Diplômé en Sociologie, Souleymane Bah, rencontré à Kédougou, à la frontière avec le Sénégalo guinéenne, y est installé depuis 2008. Les affaires ne semblent pas marcher, comme il le souhaite. Il est résolu à revenir dans son pays natal pour retrouver la chaleur familiale qui, selon ses propres termes, lui manque.
Le secrétaire frontalier, le commandant Algassimou Camara, a révélé que depuis l’apparition de l’épidémie Ebola, les voyageurs guinéens sont munis de leur carnet de vaccination et de leur carte d’identité.
M. Camara précise que c’est entre juillet et octobre que le flux migratoire est impressionnant. Les migrants, selon lui, ont une moyenne d’âge de 25 ans. Il assure ne pas pouvoir fournir de statistiques fiables sur les mouvements des migrants, mais estime à une cinquantaine de candidats par semaine. Ce chiffre est très élève pendant la saison sèche.
Fortes douleurs d’un père de famille endeuillé
Le visage renfrogné, ruminant difficilement sa tristesse et ses remords, El Hadj Mamadou Aliou Bah, résidant à Dar-es-salam, en chômage, a perdu deux enfants, emportés par les eaux lors de la traversée entre le Maroc et l’Espagne en juillet dernier. « Je suis désespéré à la suite de la perte mes enfants Abdourahmane et Saliou Bh, morts noyés, et âgés respectivement de 23 ans et 19 ans. Ils ont perdu la vie dans les naufrages leur embarcation large d’Al Hoceima, dans le nord du Maroc. Plus de quatre mois après ce drame, je n’ai pas vu encore leurs corps ou leurs tombes. Ils sont partis sans me dire au revoir », se lame-t-il.
Difficile de trouver des statistiques sur les candidats de départ parce qu’ils ne sont pas enregistrés officiellement. Le chargé de la gestion du programme d’aide au retour volontaire en Guinée à l’Organisation internationale pour Migrations (OIM), Abdoulaye Diallo, précise qu’aucun chiffre sur les départs n’est disponible. Toutefois, il précise que ce que ce sont les candidats au retour qui sont enregistrés à l’OIM.
En 2015, plus de 450 jeunes guinéens sont revenus du Maroc. Leur objectif était de regagner l’Espagne ou d’autres pays européens.
L’OIM appuie le gouvernement dans sa politique de facilitation du retour volontaire. L’Institution des Nations-Unies préconise de lutter contre le chômage en vue d’annihiler, tant bien que mal, le phénomène du départ à l’extérieur. « Des jeunes diplômés qui ont fini leurs études restent à la charge de leurs parents. Cette situation est une honte pour eux .Si on n’arrive pas à résoudre cela, les jeunes continueront leur odyssée quelque soient les conséquences. Les gens ne quittent pas la Guinée parce qu’ils sont persécutés. La Guinée n’est pas un pays en guerre. Les candidats au départ y vont pour des raisons économiques », a-t-il fait observer.
Selon les sources officielles 2013 et 2014, la Guinée occupait en Belgique le 2e rang des demandeurs d’asile derrière l’Afghanistan, mais devant l’IRAK.
En dépit de toutes les campagnes de sensibilisation menées par l’OIM, le phénomène se poursuit avec son cortège de dangers depuis le départ, en passant par les pays de transit et la destination finale.
Les Guinéens sont beaucoup plus présents dans les pays limitrophes (Mali, Sénégal, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau et Liberia), précise Alpha Mosquée Diallo, directeur national de la statistique et prospectives au ministère des Guinéens de l’étranger.
La même source affirme que près de 3.000.000 de Guinéens vivent au Sénégal, 2.000.000 en Côte d’Ivoire et en Sierra Léone. D’importantes colonies ont été recensées au Mali voisin, en Angola.
Aucun recensement adéquat n’a été fait. Aucune ligne budgétaire n’existe encore pour entreprendre un travail minutieux adéquat. En vue de faire ce travail, le gouvernement sollicite la contribution des partenaires techniques et financiers, notamment la Banque mondiale, pour mettre en place l’année prochaine ce projet. Le gouvernement affiche sa détermination à procéder au recensement des Guinéens, établis à l’étranger.
Le flux migratoire selon le fonctionnaire du ministre des Guinéens de l’extérieur reste une des préoccupations fondamentale du gouvernement. Son service a multiplié les campagnes de sensibilisation au sein des établissements scolaire et pré-universitaire en vue de sensibiliser les jeunes sur les dangers qu’ils courent en entreprenant les pirogues pour tenter de traverser les océans.
De son côté, la direction nationale de l’emploi des jeunes envisage avec l’aide des partenaires techniques et financiers de mettre l’accent sur le renforcement des capacités à tous les niveaux en formant et en orientant les jeunes ; diplômés, sans emplois ou analphabètes vers les secteurs productif.
« C’était manière de les aider à être autonome parce que l’Etat ne peut plus absorber tous les diplômés. Ils sont 100.000actuellement. Le gouvernement ne peut que créer un environnement propice à leur prise en charge», a déclaré, la directrice nationale, Mme Aminatou Kouyaté.
Le sociologue, Amadou Oury Baldé, assure pour sa part que le manque d’espoir sur place et la détermination des familles d’avoir l’argent à tout prix poussent les enfants à tenter l’aventure. Il estime que pour renverser cette tendance, l’Etat doit œuvrer pour la promotion de l’état de droit, le développement du syndicalisme, de la protection de l’environnement, de la création de l’emploi en investissement dans l’industrie, les textiles, l’agriculture, la pêche des textiles, l’agriculture, élevage.
La réduction de la pauvreté en Afrique, selon lui est le seul moyen pour lutter contre l’immigration.