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Les obstacles à l’ascension des jeunes filles dans les mouvements de jeunesse des partis politiques »,

Aucune jeune fille n’assure la présidence des mouvements de jeunesse des grands partis politiques en Côte d’Ivoire. est-ce par incompétence ou existe-t-il d’autres obstacles à cette ascension ? une enquête menée avec le soutien de l’Institut panos nous situe sur cette réalité.
 

L’arène politique est semblable à un champ de bataille où l’on fait feu de tout bois pour atteindre ses objectifs : Le pouvoir ! Pour cette course au pouvoir, les acteurs usent de stratagèmes pour réussir la mission qui leur est confiée, en fonction de la vision des principaux partis politiques de Côte d’Ivoire. A savoir le parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique  africain (PDCI-RDA), le Front populaire ivoirien (FPI), le Rassemblement des républicains (RDR), l’Union pour la démocratie et la paix (UDPCI), Liberté et la démocratie pour la république (Lider). Pourquoi jusqu’à ce jour, aucune femme n’assure la présidence des mouvements de jeunesse des différents partis politiques ? Quand est-ce que les jeunes filles prendront les rênes des mouvements de jeunesse et marqueront la sphère politique à l’instar de leurs ainés et grand-mères voire arrière grand-mères Simone Ehivet Gbagbo,  Henriette Dagri-Diabaté, Marie Odette Lorougnon, Kandia Camara, feue Hortense Aka-Anghui. En passant en revue les principaux partis politiques de Côte d’Ivoire, le constat est que la présidence des mouvements de jeunesse est tenue par les hommes. Pourtant aucune disposition dans les textes n’empêche les femmes et particulièrement les jeunes filles à postuler à ces postes. Et ce ne sont pas MM. Valentin Kouassi (Jpdci urbaine), Yao N’guessan Justin Innocent (Jpdci rurale), Koua Justin (Jfpi), Dah Sansan (Rjr), Franck Adiko (Judpci) qui diront le contraire. Les grands partis politiques hésitent-ils à confier les rênes de leur mouvement de jeunesse aux jeunes filles ? Pas si sûr. Le personnel politique du PDCI RDA est estimé à 350 personnes dont une centaine de femmes et de jeunes filles. M. Guina Hermann, 28 ans, secrétaire général adjoint  du bureau exécutif national de la Jpdci urbaine, qui  comprend 11 jeunes filles sur 28 membres dans son bureau exécutif et couvre toutes les villes et communes de Côte d’Ivoire, affirme au cours d’une rencontre le vendredi 23 novembre 2018 à l’espace OBV de Yopougon, après plusieurs rencontres avortées, que le leadership ne se décrète pas et c’est à chacun de s’affirmer. Même s’il reconnait que souvent, les devanciers ne veulent pas leur confier des postes de responsabilité parce qu’ils sont jeunes, les femmes le sont plus, parce qu’elles sont jeunes et femmes. Mais ces préjugés ne peuvent être un prétexte pour  ne pas s’engager en politique et s’imposer par ses compétences et la qualité de son travail. « Au niveau de la Jpdci urbaine, le problème ne se pose pas », précise M. Guina, qui cite avec fierté des jeunes filles membres de son bureau, notamment, Mlle Amenan Hortense N’guessan, secrétaire générale de la Jpdci urbaine, Hiébi Stéphanie, vice-présidente chargée des affaires financières. En la matière, la palme revient au bureau de la coordination Jpdci de la délégation de Yopougon Toits-rouges où la parité du genre est respectée.

Le manque d’engagement des jeunes filles 

«La perspective genre est une valeur démocratique et les jeunes filles dans notre bureau sont dynamiques et efficaces. Tout le monde leur reconnait leurs valeurs », confie-t-il avant de préciser : « le problème c’est l’engagement des jeunes filles elles-mêmes ». Il explique que si les jeunes filles sont compétentes et  elles ne s’engagent pas, il sera difficile pour d’autres jeunes filles de leur emboiter le pas. Il déplore le fait qu’elles ne connaissent pas leur capacité donc préfèrent graviter dans la sphère politique en se contentant de rôle d’hôtesses, de restauratrices, de distributrice de flayers…Toutefois il met en exergue l’apport considérable des jeunes filles dans les mouvements de jeunesse car leur présence rassure autant les jeunes hommes  que les jeunes filles et également attire. Mieux, elles deviennent incontournables lorsqu’elles s’affirment. Le vendredi 30 novembre 2018, après plusieurs rendez-vous manqués, nous rencontrons M.Yao Innocent, 34 ans, président national de la Jpdci rurale  à la maison du PDCIRDA à Abidjan-Cocody. Le bureau de la Jpdci rurale comprend 27 membres dont 7 filles qui à l’origine sont des militantes de base très engagées, elles mobilisent, animent les meetings... La Jpdci rurale couvre tous les villages,banlieues et campements de la Côte d’Ivoire et compte 198 membres politiques. La spécificité de ces jeunes filles, c’est qu’elles sont préoccupées à s’occuper de leurs conjoints et des travaux champêtres. « C’est un problème de motivation, de volonté et d’engagement », affirme M. Yao qui fait remarquer que les jeunes filles en zone rurale ont tendance à soutenir leurs actions. Pour plus d’engagement de ces jeunes filles dans les mouvements de jeunesse, une commission technique chargée de la mobilisation de la gent féminine a été créée en vue de les mobiliser et les encadrer. « L’égalité est une question de volonté. Nous voulons des militantes de conviction et non des militantes à conditions » assène-t-il, indiquant que si les jeunes filles sont dynamiques et véritablement engagées en politique, cela fera avancer les choses.  Mlle Edwige  Wassa, 26 ans, chef de cabinet de la Jpdci rurale, fait son entrée  dans le bureau après avoir fait campagne aux côtés de l’actuel président de la Jpdci rurale. Victime des préjugés après sa nomination, elle dit jouer pleinement son rôle et force aujourd’hui l’admiration des hommes. « Les femmes sont marginalisées par leur faute parce qu’elles aiment rester en second plan », déclare cette assistante de direction doublée de formatrice  des jeunes filles en politique. Elle estime que les femmes doivent se mettre audessus des préjugés et s’engager en politique et partant dans les mouvements de jeunesse car le pouvoir n’est pas donné mais il s’acquiert. « En politique, il ne faut pas se laisser influencer », soutient Wassa Edwige qui dit que son engagement politique lui permet de se mettre à fond dans ses entreprises. « Je suis un modèle pour les jeunes filles », affirme-t-elle. Kady Soumahoro, présidente des amazones du Rassemblement des Républicains s’est réjouie, le 31 novembre 2018, lors de nos échanges du fait que le parti soit dirigé par les femmes depuis le dernier congrès du RDR tenu en septembre 2018. « Les femmes sont engagées mais elles ont peur et les jeunes hommes ne veulent pas de jeunes filles dans leurs structures », révèle-t-elle. Elle estime que seul le travail et les initiatives des jeunes filles pourront leur permettre d’accéder à des postes de décision au sein des bureaux des mouvements de jeunesse et partant des partis politiques. Par ailleurs, Mme Kady Soumahoro n’occulte pas le fait que certaines femmes sont complexées et n’ont pas de conviction. « Il faut arrêter les préjugés et les gens doivent comprendre que les jeunes filles sont aussi compétentes que les jeunes hommes. Les jeunes filles sont déterminées mais nombreux sont les jeunes hommes qui ont peur de la concurrence. Alors qu’il faut la contradiction pour avancer », fait-elle savoir. Au niveau du bureau du RJR, l’on enregistre 6 jeunes filles sur les 30 membres que compte ce bu
reau dont Dion Valérie. Quant à Salimata Diarrassouba, 33 ans,  présidente nationale de la commission technique féminine de la jeunesse de l’UDPCI (Judpci) et vice-présidente du bureau national de la Jdpci, elle explique qu’au niveau de la Jdpci, il faut appartenir à une base et chaque base appartient à une section et chaque section dépend d’une coordination.

Le sexe, l’arme de destruction

« Cela n’a pas été facile parce que les gens sortent avec des leaders pour être à des postes de décision et les parents acceptent mal le fait de voir leur fille toujours partie », indique la vice présidente de la coordination de Yopougon centre de la  Judpci. Selon elle, ce sont ces « amants» qui deviennent après avoir satisfait leur libido, le bourreau de ces militantes et manigancent pour qu’elles jettent l’éponge. «  Je ne suis pas différente des hommes puisque je fais correctement mon travail et je m’impose», dit-elle en souriant .

M. Djinan Hermann, secrétaire général adjoint de la Jpdci urbaine  fait savoir que le sexe est un moyen d’information. Il indique  qu’en politique, la mauvaise foi est la chose la mieux partagée. « Certains leaders entretiennent des rapports sexuels avec des jeunes filles de certains bureaux adverses dans le but d’avoir des informations de poids », avoue-t-il avant de confier qu’on dit dans leur jargon qu’ « on les mobilise ». Raison pour laquelle, il invite les jeunes filles à la sagesse tout en saluant celles qui sont intègres, celles qui créent l’engouement et qu’on appelle en coulisse « Taper poteau » (Elles n’acceptent pas les avances des hommes). « Quand tu mets le sexe dans la politique, les hommes t’écrasent », prévient Kady Soumahoro, présidente des amazones qui est la formation de certaines femmes leaders des partis politiques. Selon elle, la femme doit pouvoir se faire respecter par son travail et repousser les hommes de façon intelligente. Cependant, elle reconnait que certains couples se sont formés dans l’arène politique même si ces couples ne sont pas nombreux. 

La fiche de poste

Avec les différentes crises qui se sont succédées, les femmes ont peur de s’engager en politique alors que la politique est une question de culture. Ce sont les plus durs qui avancent. C’est pourquoi les partis politiques préfèrent confier leurs partis aux hommes expérimentés et aux femmes qui sortent du lot, se justifie Kady Soumahoro, présidente des amazones d’Alassane Ouattara (ADO). Raison pour laquelle, à la création du parti, il fallait trouver des hommes engagés et expérimentés pour tenir la barre face au pouvoir. « Les jeunes allaient à la confrontation et à l’affrontement. Dans ce contexte, il était difficile de confier la présidence d’un mouvement de jeunesse à une jeune fille », affirme Idriss Coulibaly, un militant de base de ce parti qui soutient que les jeunes avaient pour mission d’accomplir les tâches que les sages refusaient.  Mme Woja Suzanne épouse Essané, 1ère secrétaire nationale adjointe chargée des relations extérieures de la Jfpi, dont le bureau renouvelée comprend 5 femmes sur les 40 membres, estime qu’il fallait des hommes et femmes de conviction pour partager les idéaux du Front populaire ivoirien à ses partisans et à toutes la Côte d’Ivoire. Et cela, en sortant de la clandestinité pour arriver au multipartisme. « Au FPI les femmes ont leur place et elles tiennent bien leur place », soutient elle précisant que le quota de 30% est respecté dans toutes les instances du parti « Les jeunes sont souvent instrumenta
lisés pour régler des comptes internes », relève un ex- militant de section de base qui confie que lorsque les jeunes sont bien organisés, ils arrivent à convaincre les responsables du parti à tenir compte de leurs propositions. A cela s’ajoutent des partis politiques qui ont décidé de confier leurs mouvements de jeunesse à des ex-membres de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire. C’est le cas de Blé Guiriao (UDPCI), Karamoko Yayoro (RDR), Damana Pickass (FPI) qui ont su imprimer leur marque dans les mouvements de jeunesse des partis politiques. Aussi, plusieurs leaders de mouvements de jeunesse regrettentils le fait qu’en dehors de cette « fiche de poste » qui discrédite les jeunes femmes, elles-mêmes prêtent le flanc en se contentant de peu.