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Tunisie: pour une intégration réussie des Subsahariens

Des associations s'organisent pour permettre une bonne intégration des migrants dans la société tunisienne. Cela passe par la culture, le droit et différents ateliers.

Comment assurer l'insertion économique culturelle et sociale des migrants subsahariens en Tunisie ? Comment assurer aux migrants des conditions de vie dignes ? Comment faire des différentes villes de la Tunisie, au nord comme au sud, des espaces de vivre ensemble et de cohésion sociale ?

Il est vrai que la majorité des migrants travaillent en Tunisie. A la question de savoir si les emplois qu'ils occupent correspondent à leurs attentes et répondent à leurs propres besoins. Beaucoup de Subsahariens affirment qu'ils acceptent souvent des emplois qui ne correspondent pas à leurs qualifications. Parfois même, le travail n'est pas en adéquation avec la formation qu'ils ont reçue. D'autres parlent de précarité professionnelle, étant donné qu'ils ne bénéficient pas d'un contrat de travail, ni d'une protection sociale.

Une situation qui loin d'être celle de Carine Coulibaly. Durant ses études de Droit elle est tombée amoureuse du journalisme. Et c'est presque par hasard, qu'elle change de voie pendant ses vacances. Carine raconte son quotidien « Durant mes études en Tunisie, je n'ai jamais laissé personne me définir par ma couleur ou mes vêtements puisque je crois que Dieu m'a créée comme une véritable femme africaine, » souligne la jeune Ivoirienne. « J'ai passé et je passe encore de bons moments en Tunisie. J'ai des amis tunisiens très proches, j'ai décidé personnellement de ne prendre que ce qu'il y a de mieux chez les Tunisiens, » explique-t-elle.

Sa passion pour la Tunisie et son dévouement lui ont valu le respect et l'amitié de beaucoup de Tunisiens. Après avoir terminé son master en journalisme, Carine revient en Tunisie en tant que professionnelle. D'ailleurs, je l'ai rencontrée en tant que journaliste ivoirienne venue faire des reportages en Tunisie. Sa préoccupation aujourd'hui est l'intégration des Africaines dans le processus de développement. Et c'est ce qu'elle compte faire au cours de son cursus.

D'autres entretiens conduits avec des Subsahariens dans le cadre de cette enquête ont attiré notre attention sur plusieurs caractéristiques. Les migrants subsahariens habitent généralement en colocation. Ils partagent le loyer, ainsi que les frais relatifs aux courses et au transport. Ils essayent de recréer une atmosphère familiale et familière. Certains nous ont expliqué comment ils sont entrés dans des relations de familiarité avec les habitants de leur quartier, qu'ils soient commerçants, voisins ou autres. David Yawovi Bogla du Togo, étudiant en management/création d'entreprises à l'institut d'administration des entreprises, et président de l'association des étudiants et stagiaires togolais en Tunisie, entrevoit désormais un avenir en Tunisie, malgré les difficultés d'embauche.
 

Le quotidien des étudiants
L'AESAT, l'Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie regroupe aujourd'hui sous sa bannière les étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur public et privé et dans les centres de formation. Ils sont issus de près d'une vingtaine de pays africains dont l'estimation serait de l'ordre de 6000 environ. Sa principale vocation est l'unification des étudiants et stagiaires africains et leur intégration dans la société tunisienne.

Selon Rachid Ahmed Souleymane, président de l'AESAT, une nouvelle forme de visibilité culturelle et sociale se crée dans l'espace urbain. Les initiatives culturelles déployées révèlent des productions originales qui méritent toute l'attention. Les étudiants introduisent dans l'agenda culturel des événements et des dates qui tendent à devenir de véritables scènes subsahariennes. « Un rendez-vous incontournable avec la culture subsaharienne : des soirées dansantes, des concerts d'artistes, des festivals, etc. Des évènements qui se suivent, mais ne se ressemblent pas, représentent un élan positif envers l'Afrique et les Africains censés permettre au jeune Tnisien de renforcer son identité africaine, » souligne Rachid Ahmed Souleymane.

L'insertion culturelle, une longe route

Le chemin est long mais les initiatives ne manquent pas. Théâtre Forum, une association culturelle et artistique, a mis en place, avec le soutien de la coopération suisse et terre d'asile Tunisie, un projet de théâtre intitulé « pistes solidaires. » Le but, selon Mr Mohamed Laabidi secrétaire général de l'association, est d'élaborer un spectacle qui sensibilise à la cause migratoire et qui favorise l'intégration du public migrant en Tunisie. C'est dans ce cadre qu'une formation au théâtre de l'opprimé a été menée du 19 au 23 mars. Elle a regroupé 20 étudiants, étrangers et tunisiens.

Mohamed Laabidi a encore affirmé que ce spectacle de théâtre interactif, permet par le biais du jeu théâtral de faire émerger la parole. Dans un premier temps, les comédiens jouent plusieurs courtes scènes, évoquant des situations quotidiennes, pouvant être vécues comme conflictuelles ou bloquées . D'ailleurs nous avons assisté aux répétitions d'une scène mettant en relief le mariage « mixte » entre un Subsaharien et une Tunisienne.

« Le principe en est que les étudiants qui seront formés à ces techniques traiteront au moyen du jeu scénique, des sujets illustrant des problématiques liés à la réalité du public migrants en Tunisie, » souligne Jean-Pierre Besnard, metteur en scène et formateur, tout en ajoutant, « qu'à la fin de cette formation, le groupe jouera cinq spectacles devant un public estudiantin multiculturel à qui sont destinés les messages portés par ce projet. »

Nul ne peut ignorer cette grande solidarité qui se met en place entre les jeunes Tunisiens et Subsahariens. Une solidarité qui se forme en fonction d'un art, d'une culture, le temps d'une répétition, le temps d'un spectacle.

Ecrit par Inès Jelassi à Tunis, avec le soutien de l'Institut Panos Afrique de l'ouest