Des Subsahariennes, en Tunisie, sont parfois victimes d'un trafic. Elles bossent dur pour rembourser les passeurs. Entre travail précaire et espoir de s'en sortir.
Les Subsahariennes ou les Africaines, comme on les appelle communément, font partie de la vie quotidienne en Tunisie. Elles sont présentes dans les salons de coiffure, les centres de massage, les calls center, les restaurants, les salons de thé. Elles travaillent comme aide-ménagères ou baby-sitters. « A ce jour il n'y a pas de statistiques officielles et exactes sur le nombre de migrants subsahariens présents en Tunisie, » souligne Lilia Rebai, directrice du programme Tunisie du réseau euro-méditerranéen des droits humains, « d'après des associations à Sfax et Tunis, ces femmes arrivent du Mali ou du Sénégal.
Beaucoup ont été contactées chez elles à travers des intermédiaires. Elles viennent en tant que coiffeuses, esthéticiennes ou même étudiantes, mais quand elles arrivent, elles sont confrontées à la réalité. On leur demande de travailler, le temps de rembourser le voyage à 2000 euros environ. (...) On leur confisque le passeport durant la durée de l'arrangement, afin d'éviter qu'elle parte avant d'honorer leurs engagements. »
Mme Rebai, cite le cas d'une jeune chrétienne qui a payé son billet d'avion et qui est venue s'installer dans une famille tunisienne. Un intermédiaire lui avait fait comprendre qu'elle avait ses chances en Tunisie. Elle va vite déchanter. Victime de violences et de brutalité, la jeune Subsaharienne a été maltraitée comme une esclave, sans aucune possibilité de s'en fuir. Elle n'avait même pas le droit de sortir. Elle a profité d'une occasion pour aller se recueillir à l'église. « Le chauffeur de la famille est resté dehors, le temps d'une confession au prêtre, c'est à partir de cette visite à l'église qu'on a pu déceler son cas ».
Le babysitting ... mon refuge
Ella N'Guessan est Ivoirienne. Orpheline depuis son jeune âge, elle a été élevée par son grand frère. Son bac en poche, elle fait des études de gestion commerciale et termine major de sa promotion. Elle décide de venir en Tunisie, pour y élire domicile. Polyglotte, elle trouve un job dans un call center. Après une formation de 15 jours, elle commence le travail. Pour Ella, c'était une tâche délicate avec des clients d'une certaine humeur. L'expérience ne durera que quelques mois.
Elle décide de faire du babysitting, un métier, aux nombreux échanges chaleureux. Elle s'y consacre tout naturellement. « Des liens se créent entre moi et les petits enfants. D'ailleurs ils reviennent souvent vers moi et me montrent un dévouement sans égal. »
Ella a accumulé ainsi quelques années d'expérience dans la garde d'enfants. Au point d'en vivre et en être du moins satisfaite financièrement.
L'OIM en partenariat avec la Tunisie
« La problématique de l'immigration est désormais un des piliers de l'OIM, mais malgré tous les efforts de notre organisme et des différentes ONG qui défendent les droits de l'Homme et ceux des migrants et réfugiés subsahariens en Tunisie, la situation de ces derniers reste précaire, » affirme Lorena Lando, chef de mission de l'OIM en Tunisie. « Nous nous sommes réjouis de l'adoption par le parlement tunisien en juillet 2016 de la loi 29/2015 contre la traite des personnes. Idem pour l'Instance nationale de lutte contre la traite des personnes qui a été officiellement mise en place le 8 février par le ministère de la Justice
avec pour principal objectif d'élaborer une stratégie de lutte contre la traite des personnes en Tunisie. »
En effet, la Tunisie n'est pas épargnée par le phénomène dont les causes sont multiples et profondes, et dont les modalités d'exploitation des victimes sont diverses (servitude domestique, vente forcée dans la rue, mendicité forcée).
Selon le chef de mission, entre 2012 et 2016, l'OIM Tunisie a pu détecter et assister 82 victimes de la traite des personnes, dans le cadre de ses projets SHARE 1 et SHARE 2. « Soutien en matière de législation contre la traite des personnes en Tunisie et renforcement des capacités nationales pour l'identification et l'assistance des victimes. »
La plupart des victimes sont originaires d'Afrique subsaharienne notamment de la Côte d'Ivoire. Elles ont été exploitées dans la servitude domestique.
Selon le rapport « étude exploratoire sur la traite des personnes en Tunisie », réalisé par l'OIM en 2013, le pays est à la fois un pays d'origine de transit et de destination de la traite. Les victimes de traite sont généralement d'origine subsaharienne et sont aussi exploitées sexuellement même dans le travail domestique.
Ecrit par Inès Jelassi à Tunis, avec le soutien de l'Institut Panos Afrique de l'ouest.