Huit ans que la loi sur la parité dans les instances électives et semi électives est adoptée au Sénégal. Un énorme succès pour les femmes de tout bord aussi bien de la société civile que des chapelles politiques qui ont mené le combat ensemble au-delà des clivages et des différences de positions. Un ‘’point’’ de plus par rapport à leurs ‘’sœurs’’ d’autres pays voisins et même au delà qui avaient les mêmes revendications mais qui n’ont pas eu cette consécration. La loi sur la parité devait être un déclic et aider à amorcer un tournant décisif pour acquérir d’autres droits relatifs à l’égalité de genre dans les instances décisionnelles et à une amélioration soutenue de la participation politique des femmes …. Toutefois le scénario ne s’est pas déroulé comme prévu.
Aux derniers renouvellements parlementaires de 2017, le Sénégal est en tête de peloton avec la plus forte proportion de femmes à l’assemblée nationale. La Norvège, la France, la Nouvelle Zélande et l’argentine ferment successivement la marche de ce classement de top 5. Le Sénégal est à une fréquence de 41,8%, le deuxième du classement, la Norvège, en l’occurrence, est à 41,4%. des acquis issus de mesures ou de quota volontaire mais qui n’ont pas permis d’atteindre la parité parfaite entre hommes et femmes. Ces statistiques du site l’union parlementaire décrivent avec une réalité déconcertante l’étendue de la lutte pour l’égal accès des femmes dans les instances décisionnelles qui ne se limite pas seulement dans les instances électives et semi électives. La loi sur la parité ou le système de quotas, bien qu’étant adoptés, rencontrent quelques difficultés dans son effectivité.
Les conventions et traités en faveur d’une discrimination positive des femmes sont bien stipulés dans les préambules des Constitutions, loi suprême, qui régit le fonctionnement de tout pays. Le Sénégal ne fait pas exception en la matière. Il s’agit de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedef) et la charte africaine des droits des peuples relative aux femmes plus connus sous le nom de Protocole de Maputo. Ces engagements se reflètent aussi dans les Objectifs de développement durable (Odd) où l’objectif numéro 5 incite les pays à «réaliser l’égalité en droits entre les femmes et les hommes, et promouvoir l’autonomisation de la femme». un aspect qui doit prendre en compte la promotion des droits de la femme sur les plans politique, économique et social. afin de parvenir à ces résultats, l’objectif numéro 17 entérine l’objectif 5.
Il s’agit de «promouvoir un partenariat mondial pour la réalisation des Odd». Les pays développés sont appelés à aider ceux en développement pour l’atteinte de ces objectifs de développement durable. Les pays reçoivent, en conséquence, un appui financier ou technique des partenaires notamment pour les initiatives concourant à promouvoir les droits de la femme dont le ministère de la femme, les institutions chargées de la promotion de l’égal accès des femmes dans les instances décisionnelles telles que l’Observatoire nationale de la parité.
une inquiétude peut s’installer, dans cette perspective, suite à la léthargie notée au Sénégal huit ans après l’adoption de la parité dans les instances électives et semi électives. La loi reste confinée à l’assemblée nationale où la parité parfaite reste encore une des aspirations des femmes. a cela s’ajoutent des dysfonctionnements de la loi dans la mise en place du Bureau de l’assemblée et des commissions techniques. L’égal accès des femmes dans les instances se limite dans le cercle de l’Hémicycle. Consultant en genre, daouda diop est sceptique quant à l’accession des femmes dans d’autres sphères décisionnelles. une analyse basée sur la mise en œuvre ‘’de la loi sur la parité encore imparfaite’’. a contrario, la présidente d’honneur de l’association des juristes sénégalaises, Marie delphine Ndiaye pense que la loi sur la parité devait servir de catalyseur pour stimuler l’accès des femmes aux autres sphères de décisions. dans cette optique, il est question, selon elle, d’obtenir une meilleure prise en compte des préoccupations des femmes ainsi que des spécificités dans les politiques publiques. Il est ainsi nécessaire de disposer des services des organisations de la société civile pour influer dans les orientations des politiques et dans la gestion des affaires publiques pour un changement de la société.
La loi sur la parité est loin d’être la finalité des revendications sur l’égalité de genre. Elle doit être un instrument. La présidente du réseau ‘’Siggil Jiggen’’, Safiétou diop qui a été aux premières heures de la lutte pour l’adoption de la parité dans les instances électives et semi électives, fait une radioscopie de l’égal accès des femmes dans les instances décisionnelles. «La première revendication a été la parité dans les instances de décisions électives et semi électives mais nous avons le devoir et la mission d’achever le travail en revendiquant l’égalité intégrale dans toutes les instances de décisions où l’homme et la femme doivent jouer un rôle dans le gouvernement et au niveau du secteur privé» a-t-elle fait savoir. ainsi, le parachèvement des revendications relatives à la parité intégrale est dévolu à l’actuelle génération de jeunes
femmes à qui il incombe de réussir la ‘’transformation sociale, positive basée sur des relations de genre équitables’’. Safiétou diop ne considère pas cette revendication comme partisane ou sexiste, «Ce n’est pas du ôtes-toi que je me mette». Cette revendication est ‘’plus une question de développement qu’autre chose’’. ‘’Les femmes sont à même de définir les politiques qui les concernent directement. On a le droit d’occuper notre place sur la table puisqu’on n’a pas dit à l’homme de ne pas être sur la table mais on lui demande tout simplement de libérer notre place’’, a t –elle relevé. dans cette quête, l’apport des femmes parlementaires peut être décisif dans la lutte pour l’égal accès des femmes dans les instances décisionnelles autres que l’assemblée nationale et les conseils départementaux et municipaux. La prise de conscience des femmes notamment par une formation au plan idéologique reste une charnière dans cette lutte de transformation sociale. ‘’Le patriarcat est un système dans tous les partis politiques. Celles qui sortent du lot, qui ont des idées, qui font la différence en termes de compétences n’arrangent pas les hommes, donc au moment du choix elles sont écartées, au profit d’autres femmes moins compétentes, pour qu’elles ne gênent au moment de la prise de décision’’, explique Safiétou diop. ‘’C’est ce qu’on appelle les femmes alibis, les faire-valoir’’ a analysé la présidente du réseau Siggil Jiggeen. Toutefois elle précise, que ce n’est pas toujours le cas comme à l’assemblée Nationale où il y a de véritables lionnes mais elles sont minoritaires
Sur les limites de cette loi en termes de potentiel, la directrice du Laboratoire Genre de l’IFaN, le docteur en sociologie, Fatou Sow Sarr juge que le Sénégal a raté «une opportunité de tirer avantage de la parité par manque de perspective des nouvelles autorités». «Tant qu’abdoulaye Wade était au pouvoir, ceux qui pensaient qu’il en était l’instigateur ont joué le jeu et ne juraient que par la parité. une fois Macky Sall au pouvoir, ces mêmes personnes, pensant qu’il est contre, ont enfourché une autre trompette» constate-t-elle dans un article publié sur un site spécialisé en genre. autant de facteurs qui peuvent expliquer la léthargie dans laquelle se trouvent les mouvements de femmes ayant instigué la lutte pour la parité, et devant s’occuper de son amélioration et briser le statut quo dans la lutte pour l’égal accès des femmes dans les instances décisionnelles.
«nous travaillons sur un référentiel des comPétences Pour davantage de nomination de femmes»
Elle en est à son deuxième mandat de députée. Lors du premier (2012 à 2017), Awa Guèye remplissait les fonctions de première vice-présidente à l’Assemblée nationale. Avec la 13ème législature, elle occupe les fonctions de 2ème vice-présidente. Elle est également la présidente du collectif des femmes parlementaires.
depuis que le collectif est redynamisé, avec cette 13ème législature, quels sont les résultats que vous avez eus, selon les objectifs visés par le réseau ?
depuis 2007, le collectif a beaucoup travaillé avec les organisations de femmes notamment avec le Conseil sénégalais des femmes (Cosef). Ce sont les membres du collectif, le Cosef et le ministre de la femme de l’époque qui avaient beaucoup travaillé pour arriver à la loi sur la parité en 2010. avec le nouveau régime, le collectif des femmes parlementaires continue de collaborer avec le Cosef, l’observatoire national de la parité (Onp), l’association des juristes sénégalaises (ajs). C’est sur ce, que nous avons renforcé la loi sur la parité, nous avons pu l’introduire dans le règlement intérieur de l’assemblée nationale qui demande maintenant que le bureau soit composé de manière alternative. Par rapport à l’exécutif aussi nous avons travaillé ensemble pour arriver aujourd’hui à un budget sen
sible au genre parce qu’il n’est pas tout à fait sensible au genre. Mais, nous recevons à chaque budget le programme genre étudié par les femmes avant qu’on ne vote le budget général de l’Etat. Nous avons aussi travaillé sur un autre point avec l’exécutif et sur ce, nous avons aujourd’hui, une loi sur la nationalité qui était une des préoccupations des femmes et nous continuons de travailler toujours avec le ministère de la femme pour identifier les discriminations à l’égard des femmes parce qu’au niveau international il y a plus de problèmes, le Sénégal a ratifié toutes les lois qui luttent contre les discriminations à l’égard des femmes mais c’est au Sénégal qu’il y a certaines résistances donc nous avons identifié ces lois discriminatoires et nous travaillons avec le ministère de la femme pour aller vers la correction de ces lois qui portent préjudice aux femmes.
Par rapport au côté politique, exactement, pour renforcer les autres secteurs qui ne sont pas ciblés par la loi parce qu’il est spécifié que cela concerne les postes électifs et semi électifs, est-ce qu’il y a un projet pour appuyer les femmes à avoir d’autres postes dans les instances décisionnelles ?
au-delà des postes électifs et semi électifs, il y a des postes nominatifs qui relèvent de la décision du président de la République mais nous travaillons pour avoir au moins un référentiel des compétences des femmes. Ce qui permettrait au président de la République de s’appuyer sur ce référentiel pour nommer davantage de femmes. au niveau de la base, nous travaillons avec les collectivités locales pour aller vers l’autonomisation de ces femmes et pour les formations en alphabétisation. Tout cela contribue à ce que l’on appelle l’émancipation des femmes. Je n’aime pas trop le mot mais cela contribue à les libérer de certaines pesanteurs. C’est ce que nous faisons parce que le collectif des femmes c’est des députés et les députés sont à la base, elles sont au niveau de tous les départements.
et côté fonctionnement, comment est-ce que vous parvenez à financer vos activités ?
On a tout le temps des difficultés de financement. L’assemblée ne finance pas les réseaux donc les réseaux sont appelés à chercher des partenaires. avec cette 13èmelégislature, nous nous sommes dits que le collectif ne doit pas seulement se cantonnait dans des rôles parlementaires et législatifs mais dans ce rôle de parlementaire, il y a aussi la mission de représentation et avec cette mission de représentation, nous allons aller vers nos sœurs. Essayer de voir ce que le collectif des femmes parlementaires peut avoir comme appui pour changer leur condition. Pour cela, Onu femme a donné son accord de principe et va valider le plan d’action que nous avons déjà déposé. ainsi nous aurons assez de sous pour aller à la rencontre de ces sœurs.
Quelle est la revendication qui vous tient le plus à cœur ?
L’autre question à aborder sur la parité, c’est le fait de demander le respect strict de la loi de la parité homme-femme. Nous déplorons le non-respect de cette loi. Nous l’avons vu au niveau des élections locales, il y a des localités qui ont présenté des listes qui ne sont pas paritaires. Nous demandons la clémence de ces autorités pour que prochainement la liste qu’elles nous présenterons soit une liste paritaire. au niveau des conseils communaux et des conseils départementaux, nous demandons aussi le respect de la parité hommefemme au niveau des bureaux. Il y a souvent des recours mais les recours sont déposés tardivement. Il faut donc que les femmes tapent sur la table pour qu’au niveau des conseils départementaux et municipaux que la loi soit respectée. Il en est de même à l’assemblé nationale où le bureau n’est pas paritaire, nous devons avoir 4 vice-présidents hommes et 4 vice-présidents femmes or nous en avons 5 hommes et 3 femmes. Ce qui n’est pas normal. Nous avons compris que c’est lié aux négociations dans les coalitions mais cette fois
ci lorsque nous renouvellerons le bureau en 2018, les 69 femmes à l’unanimité taperont sur la table pour que le bureau soit paritaire.
donc, il y a déjà une synergie entre vous ?
Il y a une synergie entre nous, nous travaillons sur cela. Nous échangeons et nous élaborons nos stratégies. En 2017, lorsque nous faisions le bureau nous nous étions dits qu’il ne sert à rien d’aller vers une confrontation mais nous travaillons à cela pour qu’ultérieurement en octobre 2018 lorsque le bureau sera renouvelé les femmes vont taper sur la table pour le bureau soit paritaire.
Ce sera également fait pour les commissions parce qu’elles sont presque toutes dirigées par des hommes ?
Pour les commissions, malheureusement, il ne s’agit pas d’élection mais il s’agit de nomination. C’est des présidents qui sont désignés comme il s’agit d’une désignation, on ne peut pas les demander d’appliquer la loi. Tout ce qu’on peut faire c’est imposer le diktat des femmes pour effectivement influer sur ces décisions là et nous comptons le faire pour qu’il y ait plus de femmes au niveau des commissions.