Volonté de se faire malgré une loi favorisant l’accès des femmes aux instances de décision en sus d’une rudesse de l’environnement politique. Les femmes politiques doivent savoir contourner les pesanteurs et réalités sociales, la conjoncture économique. En somme, un ordre préétabli.
Faidherbe trône toujours à la même place. Le monument à l’image du célèbre gouverneur semble défier les vicissitudes de la vie. Les moult changements n’ont pas affecté l’armature de cette statue, symbole de l’histoire de l’Afrique occidentale française. La fameuse statue porte quelques éraflures sans doute dues aux effets de l’érosion. Erosion qui se voit également sur la peinture défraichie, la place délabrée et les lampadaires déboulonnés. L’état de délabrement se voit également sur les autres accessoires d’esthétique dans ce lieu chargé d’histoire.
Saint-Louis et Dakar sont tous deux territoires français au temps de l’époque coloniale. Une similitude de taille étant aussi un bon baromètre pour jauger les progrès réalisés en matière de participation politique des femmes. Saint-Louis étant la région originelle des pionnières à l’instar de Soukeyna Konaré, une référence qui a marqué la politique à l’ère des indépendances. Pour autant, cette particularité ne rend pas Saint-Louis exempt des mouvements de revendication des femmes.
Certes, la présence de femme à l’Assemblée nationale est un facteur qui permet de mesurer cet indice d’inégalité de genre. N’empêche, le Sénégal ne pointe qu’à la 118ème place sur 155 pays avec une valeur de 0,528. Plus la valeur est proche de 1, plus le pays est inégalitaire entre les hommes et les femmes. Des efforts sont aussi à fournir pour l’éducation et l’accès au marché du travail. 7,2% de femmes adultes ont atteint un niveau d’éducation secondaire ou supérieur par rapport à 15,4% des hommes. La participation des femmes au marché du travail se situe à 66% contre 88% pour les hommes. Des corrections qui pourront aider à améliorer l’indice d’inégalité de genre et à pérenniser la participation politique des femmes. Au Sénégal, le nombre de femmes à l’Assemblée nationale avoisinant la parité ne semble avoir d’incidence sur la participation politique. Aussi, faudrait-il s’interroger sur les attentes des femmes de la base, désireuses d’occuper l’espace public en l’occurrence. L’apport de l’élite féminine est aussi à poser.
Une formation de prise de conscience ?
La formation et l’entreprenariat sont vus comme les outils qui peuvent parfaire la manière d’être des femmes dans l’espace politique. Des stratégies aidant à l’autonomie et à la rupture avec le suivisme. Des formations en communication, en leadership, en plaidoyer, en lobbying sont ainsi déroulées pour promouvoir l’entreprenariat féminin. «Il y a des femmes qui n’acceptent pas d’être en avant ou bien si elles sont élues, elles viennent se présenter sans s’exprimer. Mais, chez d’autres femmes, on voit des améliorations parce qu’avant, elles ne pouvaient pas s’adresser à un public et après elles s’expriment correctement et revendiquent leurs droits et demandent à leurs paires de faire de même», fait savoir Aida Mbaye, première adjointe au maire qui indique des résultats relativement satisfaisants. L’approche d’élections est le moment idéal pour les élues de se reprendre en main. Selon elle, les femmes en peine de leadership pensent à la réélection et «commencent à s’affirmer». Ce sursaut de survie est plus motivé par le souci de dénicher une base politique à même de faire valoir la légitimité politique. Comme l’explique, en effet, Aida Mbaye la base politique est le premier critère d’élection. Ensuite il suffit de savoir «se tenir dans les instances de décision». Savoir bien se tenir inclut d’être «à la hauteur» dans les instances et d’être «manipulé par les hommes».
Elle souligne, toutefois, une tendance dans l’échiquier politique qui s’institutionnalise. L’avènement des grandes coalitions font perdre aux femmes quelques places dans la répartition et la hiérarchisation. «Maintenant s’il y a coalition, ce sont les chefs de partis qui viennent en premier », explique Aida Mbaye tout en mettant en avant que toutes les grandes coalitions ont des chefs de partis hommes. Ces propos de la première adjointe au maire de Saint-Louis sont corroborés par le rapport de suivi et d’analyse de la participation des femmes aux élections législatives de 2017 de l’Observatoire national sur la parité. Dans ce rapport, il est noté, une disproportion des têtes de liste au scrutin majoritaire départementale. L’observatoire révèle ainsi que 125 femmes ont dirigé une liste au scrutin départemental sur un total de 1140 têtes de liste. Néanmoins, le nombre de candidats investis au scrutin proportionnel a assuré une parité sur le nombre de personnes investies. Une disparité est également notée sur les têtes de liste au scrutin proportionnel. Sur un total de 47 têtes de liste, il y a eu 4 femmes, toutes, leaders de parti ou de coalition.
Une autre mentalité pour s’affirmer
A Ngallèle, quartier situé sur la route de Sanar, Khady Fall, une enseignante à la retraite avec à son actif 37 ans de syndicalisme revisite les entraves de la participation politique des femmes. La présidente de la commission éducation, formation, apprentissage à la commune de Saint-Louis met en avant le manque de solidarité des femmes vis-à-vis de leurs consœurs. Une autre insuffisance est aussi pointée du doigt. Il s’agit de la floraison de structures pour la promotion des femmes qui poursuivent les mêmes missions pour l’autonomisation ou pour un meilleur avenir des femmes. «S’il y avait un consortium, on aurait plus vite de résultat» a-t-elle déclaré divulguant, par la même occasion, une jalousie handicapante.
Khady Wade a, par ailleurs, marqué son désaccord sur les financements octroyés aux femmes par certains hommes politiques. Financements qu’elle considère comme un handicap puisque appauvrissant davantage les femmes. «Quand un homme finance une femme elle fera ce que l’homme lui demande» a-t-elle déclaré sans détour. L’alternatif pour parer à cette éventualité de contrôle ou de domination est, selon elle, de lutter contre la pauvreté «au point d’être sur la même longueur d’onde que les hommes». Annette Mbaye d’Erneville a témoigné, en ce sens, dans un film de Ousmane William Mbaye. Elle y explique qu’elle avait réussi à mettre en place une forte association apolitique de femmes pour le développement socio-économique du pays. Un succès tel qu’il avait attiré l’attention de Feu Mamadou Dia qui intéressé, avait, par ailleurs demandé aux femmes d’acquérir la carte du parti. Au refus des dirigeantes, l’association avait tout simplement été dissoute.
Cette volonté des femmes de vouloir participer au développement politico-social n’est pas des plus faciles. Cet aspect est mis en avant lors d’une rencontre de « Women in Africa », sommet qui s’est tenu à Dakar au cours du mois d’avril. Modératrice d’un panel, Fatou Sow Sarr a relevé une déficience des politiques publiques sur l’entreprenariat féminin. «Ils vont donner l’argent à un groupe de femmes massif mais ne donneront pas l’argent à une femme capable de mettre en place une entreprise qui sera durable, bien structurée, a dénoncé la sociologue. Dans cette optique, elle considère que la logique politique est en contradiction avec la logique du développement et de croissance économique.
Il y a une perpétuation de certaines pratiques. Les Nations Unies ont d’ailleurs admis qu’ «avec le temps, il devient toutefois évident que les lois, en elles-mêmes et comme telles, ne suffisent pas à garantir aux femmes des droits égaux à ceux des hommes». Des stratégies et des plans d’action ainsi recommandées pour la promotion de la femme. Ce qui implique, en partie, l’éducation, la formation mais encore l’alphabétisation telle que soulignés par Aida Mbaye et Khady Fall. Selon elles, le Sénégal a lâché du lest par rapport à l’alphabétisation, un outil de perfectionnement des femmes à une représentation de qualité en l’occurrence des structures à partir desquelles elles œuvraient pour le développement économique et social.
Fatou Sagar DIOP MBAYE